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C’est à Grand Coude, magnifique village réunionnais perché sur un plateau bordé par deux petits cirques volcaniques, que se trouve Johny Guichard dit « Jojo », seul producteur de thé français et bio en plus !

Il est vrai que lorsqu’on y pense, on n’imagine pas que du thé puisse pousser à la Réunion. Pourtant, dans les années 60, 350 Ha de thé étaient cultivés sur l’île de la Réunion. Aujourd’hui, « Jojo » cultive 3ha. Et pourtant il n’a pas toujours été producteur de thé. Loin de là…

 

Le parcours vers le thé

DSC02587 (1900x1267)« Jojo » avait toujours voulu devenir agriculteur mais faute d’être né dans une famille d’agriculteurs, ses parents travaillaient dans des exploitations de géranium, il ne bénéficie pas de terrain sur lequel cultiver. Il travaille donc d’abord dans l’entretien d’espaces verts puis travaille pour le CIVAM Réunion (Centre d’Initiatives pour Valoriser l’Agriculture et le Milieu rural) pendant quelques années avant d’aller tenter sa chance en métropole sans succès. En 2002, ses parents entendent parler presque par miracle d’un terrain agricole à louer près de chez lui. « C’est tellement difficile d’avoir accès au foncier agricole à la Réunion que je n’ai pas laissé passer l’occasion, même si j’aurais préféré pouvoir acheter mon terrain pour avoir une sécurité de pérennité. » Il achète alors son billet de retour pour la Réunion et se lance à 100% dans l’aventure agricole.

Sans trop réfléchir, il opte d’abord pour la culture de géranium, une culture bien maitrisée sur son terroir qui offre l’avantage d’avoir une coopérative prête à lui acheter toute sa production à un prix fixé à l’avance. Mais après 3 ans, son exploitation est au bord de la faillite (culture qui ne paie pas assez, cyclones à répétition…). Pour survivre, il fallait innover et se diversifier.

DSC02588 (1900x1267)Il se rend compte alors que sur son terrain pousse naturellement du thé, vestige de la période allant de 1955 à 1972 où Grand Coude était connu pour sa production. Voyant qu’il poussait tout seul et résistait bien aux cyclones, il décide alors de faire revivre cette culture oubliée. En 2005, il se lance alors dans la culture de thé et le vend sur les marchés. Les gens ne le croient pas au début lorsqu’il explique qu’il le fait pousser lui-même et il leur propose de venir visiter la plantation le dimanche pour le voir de leurs propres yeux. Victime de son succès chaque dimanche, il décide de créer le « labyrinthe en champ thé » : circuit de découverte qui retrace l’histoire agricole de Grand Coude en faisant découvrir la culture du thé au travers de la visite des champs et du labyrinthe sur 1 ha où les gens peuvent se perdre dans les dédales d’une forêt d’arbres de thé. Passionné par son village et l’agroécologie, il profite de ce parcours pour faire découvrir aux visiteurs les principes de l’agriculture biologique et les autres types de cultures traditionnellement réalisées à Grand Coude comme la culture maraichère ou la culture ancestrale du géranium dont l’essence est utilisée principalement par l’industrie pharmaceutique et cosmétique comme répulsif ou fixateur de parfum. A ce titre, il cultive 4 variétés particulièrement odorantes qui parfument agréablement sa ferme avec des odeurs de menthe, poivre, citronnelle ou encore d’eau de rose (le Géranium Rosat qui est le plus utilisé). « Jojo » commercialise aussi pour le grand public, l’eau de géranium, de la gelée de géranium et parfume ses thés avec.

DSC02548 (1900x1399)Aujourd’hui, 10 ans après l’ouverture du labyrinthe de thé, c’est un succès. Ils sont 4 salariés à travailler sur l’exploitation et à produire du thé, du géranium, des légumes de saison et du bois pour le chauffage de l’alambic permettant d’extraire l’essence de géranium par distillation. Grâce à la confiance des agriculteurs du coin qu’il a su gagner, « Jojo » a même réussi à devenir propriétaire de terres agricoles pour être certain de pouvoir pérenniser son projet dans le temps. « On a galéré au début, mais ça valait le coup. Aujourd’hui, j’adore mon métier et j’apprends tous les jours de nouvelles choses.»

L’une des forces de son modèle est d’avoir réussi à diversifier son activité agricole en la couplant avec une activité d’agrotourisme qui lui assure une image de marque reconnue grâce à laquelle il a pu développer un fort réseau de commercialisation. Il réussit à faire vendre son thé un peu partout sur l’île et notamment dans les boutiques bio et la plupart des structures touristiques, son thé se retrouve même en métropole et il est aujourd’hui obligé d’investir pour construire de nouvelles infrastructures de séchage pour pouvoir répondre à la demande. Celles-ci seront associées à un espace d’accueil dans ce qui sera « La maison du thé ».

Le théier n’est pas un arbuste mais un arbre pouvant atteindre 12m de hauteur !

DSC02535 (1900x1313)Contrairement à ce qu’on peut penser en voyant une photo de plantation de thé, le théier est un arbre pouvant aller jusqu’à 12m de haut. Ces arbres sont maintenus à hauteur d’arbustes dans les plantations de thé classique afin de faciliter la récolte puisque seules sont récoltées les jeunes pousses. Il faut compter 4 à 5 ans avant d’obtenir une première récolte de thé après avoir planté la graine à condition d’avoir la chaleur, l’humidité les nuits fraiches et le sol acide dont le théier a besoin pour bien pousser.« Les sols volcaniques de la Réunion sont parfait pour le thé ».

DSC02516 (1267x1900)Chez « Jojo », la récolte se fait exclusivement à la main pour ne récolter que les trois plus jeunes pousses, deux jeunes feuilles et le bourgeon apical (avec la plus jeune pousse enroulée sur elle-même) contenant le plus de substances et le plus de goût. Une fois récoltées, c’est le procédé de traitement des feuilles qui déterminera la nature du thé : thé blanc, vert, noir… « Jojo » s’est spécialisé dans les thés blanc et vert. Pour obtenir du thé blanc, plus léger et fin en goût, il fait sécher celui-ci dans des conditions particulières. Pour l’obtention du thé vert, un peu plus fort, il complète le procédé par une opération de torréfaction. Le thé noir quant à lui subit une opération de fermentation.

Le délicat processus de séchage dure 2 semaines dans le noir total dans un environnement contrôlé pour faire ressortir au maximum les délicats arômes du thé. A l’issue de celui-ci, seules 130g de thé séché sont récupérés pour 1kg de feuilles récolté. « Un séchage direct au soleil serait nettement plus rapide mais la majorité des arômes seraient perdus. »

Johny est actuellement en train de tester un nouveau thé d’exception, le thé impérial, il s’agit de récolter uniquement la première pousse issue du bourgeon apical, l’aiguille d’argent. Celle-ci s’appelle ainsi car en séchant, elle prend naturellement une couleur argentée (due à un duvet blanc) et révèle un goût encore plus subtil. Alors qu’une personne peut habituellement récolter à la main environ 15kg de jeunes pousses de thé (aiguille d’argent + les deux plus jeunes pousses) en une matinée, seuls 450g d’aiguille d’argent peuvent être récoltés dans le même laps de temps.

« Jojo », un innovateur dans l’âme…

« Jojo » est un passionné qui aime innover et découvrir de nouvelles façons de cultiver de manière écologique. « Jojo » a bien sûr innové en choisissant de devenir le seul producteur de thé français mais il n’y a pas que dans ce domaine qu’il est plein d’inventivité. L’un des terrains qu’il a récupéré au début présentait une forêt de thé avec des arbres de thé allant de 8 à 12m de hauteur. Il a pris le parti de conserver cette forêt afin de faire découvrir ces arbres majestueux aux visiteurs et d’y développer une activité d’agroforesterie en plantant des jeunes plants de thé pour pouvoir y faire de la cueillette à l’ombre par trop grosses chaleurs.

DSC02542 (1900x1267)Entre les rangs de géraniums, il plante des légumes pour pouvoir profiter de l’effet répulsif du géranium et profiter des apports au sol donnés par certains légumes. Il met toujours des fleurs en bordure de ses champs pour augmenter la biodiversité, diminuer la pression des ravageurs et aussi pour l’esthétique. Il plante des plans de tabac au milieu de ses plantations afin de piéger les insectes. En effet, les ravageurs vont d’abord attaquer les plans de tabac et cela lui servira de bio indicateur pour agir à temps. Il pratique bien sûr la rotation des cultures et ne cultive jamais les mêmes végétaux sur la même parcelle deux années de suite. Il plante régulièrement des citrouilles afin de s’en servir en tant que couvert végétal et maîtriser les adventices. Il a également testé avec succès le paillage et le compost de thé qu’il devrait étendre à toute sa plantation.

Toutes ces pratiques agroécologiques ont portées leurs fruits puisqu’il remarque une amélioration de son sol année après année. « Ici à la Réunion, les gens, dont les agriculteurs, ont une fausse image du bio. Ils pensent qu’en bio on ne peut rien mettre sur ses cultures alors qu’en fait on peut utiliser toutes les matières naturelles que l’on veut. On aurait dû appeler le bio, « agriculture naturelle » pour convertir plus de producteurs.»  Grace à l’exemple qu’il donne, les gens commencent à comprendre ce qu’est le bio et certains de ses voisins commencent à remplacer les produits chimiques qu’ils utilisaient par des produits organiques autorisés en bio comme le fumier ou certaines huiles essentielles par exemple. Rien de tel que de convaincre par l’exemple.

Le site internet de Jojo : www.enchampthe.com

Conseils à de futurs néo-paysans

« Pour réussir en agriculture, il faut surtout être motivé. Prendre des conseils auprès des gens du coin. Il vaut mieux aller à son rythme et ne pas forcement vouloir être trop gros dès le début. »

« Bien réfléchir à son projet en amont pour monter les dossiers de demande de subvention avant d’être la tête dans le guidon mais ne jamais compter que sur celles-ci car sinon on n’avance pas. Soit on fait les dossiers, soit on travaille.»

 « Bien prendre le temps d’observer ce qui pousse naturellement sur son terrain au début pour définir quel type de culture mettre dessus et essayer de valoriser au maximum l’existant (arbres déjà présents…) »

« Rejoindre les réseaux. Ça permet d’avoir plus de visibilité lors des salons et surtout de partager ses conseils et expériences avec ses pairs. »

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