Avec ses traits tirés et sa propension à vouloir enseigner de manière scientifique chacune des expériences qu’il réalise sur sa ferme, Marc est un néo-paysan un peu atypique. Il cumule en effet son emploi de chercheur dans le domaine de la gestion des forêts à l’Université Autonome de Barcelone avec son activité à temps plein d’agriculteur sur sa ferme « Planeses ».
A première vue, rien ne destinait Marc à devenir agriculteur.
Non issu du milieu agricole, après de longues études scientifiques, il réalise une belle carrière dans l’enseignement et la recherche sur des thèmes liant la gestion des forêts et la protection de l’environnement.
C’est en fait par sa femme qu’il va tomber dans l’agriculture. Il y a quelques années, celle-ci récupère une ferme appartenant à ses grands-parents située dans les montagnes du nord de la Catalogne et décide de monter un projet collectif d’agriculture pour redonner vie à ce lieu. Marc ne s’implique pas encore complétement dans le projet. Pendant 2 ans, elle va essayer de mener à bien le projet ambitieux de réussir à distribuer 120 paniers bio par semaine sur 1,6 ha cultivées en maraichage tout en assumant l’éducation de leur fils de 15 ans handicapé depuis sa naissance. Au bout de deux ans, s’en est trop pour elle et Marc prend le relais à plein temps pour faire fonctionner le projet aux côtés des autres associés. Cela fait maintenant deux ans et Marc ne regrette pas son choix. S’il le pouvait, il quitterait son deuxième emploi de chercheur pour se dédier uniquement au monde paysan pour lequel il s’est découvert une véritable passion. Malheureusement sa situation familiale et économique l’en empêchent pour l’instant.
« Pourquoi l’agriculteur doit-il être pauvre alors qu’il est essentiel pour prendre soin de la terre, de l’environnement et de la santé des gens ? »
Convaincus que notre modèle de société n’est pas viable sur le long terme, Marc et ses associés se sont lancés dans ce projet pour faire partie de la solution en prouvant qu’un nouveau modèle de petite ferme agroécologique est possible. « L’agriculture est la base par laquelle il faut commencer pour changer notre société ».
Vers un nouveau modèle de ferme !
Chez Planeses ont ne pratique pas seulement une agriculture biologique ; on pratique une agriculture « régénérative », basée sur une grande connaissance de la biologie des sols vivants et de son environnement pour prendre soin du sol et de la vie. Pour cela, ils pratiquent le non labour, utilisent du bokashi*, des rotations et associations de cultures, le couvert végétal, le paillage, la mélasse, le purin d’ortie et autres, …
Planeses propose un nouveau modèle de ferme qui s’adapte bien au paradigme des néo-paysans et aux enjeux sociétaux et environnementaux auxquels on s’affronte.
A Planeses, on n’a pas parié sur une ferme individuelle mais sur une ferme collective pouvant faire vivre 3 ou 4 associés. C’est important pour eux de ne pas être seuls dans cette aventure afin de pouvoir prendre des vacances et de s’assurer que tout ne tombe pas à l’eau en cas de coup dur ou de maladie (ce qui est souvent un point faible des petites exploitations individuelles). De plus, le fait d’être plusieurs permet à chacun de se spécialiser dans la tâche pour laquelle il est le meilleur tout en gardant une vision globale de toute la chaîne de valorisation (qui va de la production à la distribution en passant par la transformation).
En effet, le nouveau modèle de production promu par Planeses repose sur une exploitation de petite à moyenne taille capable d’offrir des produits écologiques de qualité en vente directe sous forme de paniers commandés par internet et livrés directement au domicile des consommateurs. Conscients que le consommateur ne se nourrit pas que de fruits et légumes, ils ont choisi de diversifier leur offre. C’est ainsi qu’ils proposent également des poulets bio (élevés dans leur ferme),des produits transformés (conserves maisons, plats préparés…) ou encore certains mets provenant de producteurs locaux (miel, huile d’olive, vins…). Cette stratégie a pour but de proposer une réelle alternative aux grandes surfaces et d’augmenter le montant du panier moyen afin de rentabiliser le système de livraison à domicile. De cette façon, alors qu’un panier moyen composé exclusivement de fruits et légumes ne s’élève qu’à 15€, ils peuvent arriver jusqu’à 60€ avec cette stratégie de diversification.
Un chemin difficile malgré les subventions d’installation
« L’installation, même sur une petite surface héritée, n’est pas facile ». Bien qu’ils aient obtenu de nombreuses aides (Prime d’installation jeunes agriculteurs, subvention pour les bâtiments agricoles, subvention de recherche), ils ne sont pas encore à l’équilibre.
Malheureusement, malgré leur capacité à chercher des subventions, ils ne perçoivent pas la PAC car d’après eux, pour une si petite surface (4Ha), la somme à récupérer ne compense pas tout le temps passé à monter ce dossier qu’ils trouvent trop complexe. C’est d’ailleurs un problème rencontré par de nombreuses petites surfaces qui n’en profitent pas alors qu’elles sont souvent celles qui en ont le plus besoin.
En outre, certains des associés du début ont abandonné en cours de route. Le groupe de Planeses est maintenant à la recherche de nouveaux associés qui s’occuperaient de la partie commerciale.
Ils distribuent aujourd’hui une soixantaine de paniers sur l’objectif de 120 et sont toujours en pleine réflexion pour pouvoir augmenter le nombre de paniers vendus et leur prix moyen.
Le site web de Planeses: planeses.cat
Conseils à de futurs néo-paysans:
« Utilise toutes les ressources dont tu disposes. Il ne faut pas se lancer avec peur dans le projet car si il doit échouer, il échouera que tu ais peur ou pas. Si tu penses que le projet peut fonctionner alors donne toi tous les moyens pour qu’il fonctionne. S’il faut de l’argent dont tu ne disposes pas pour que ça fonctionne, alors demande-le ! (à tes amis, l’état….) Il ne faut pas faire les choses à moitié. »
« Lorsque l’on voit que les choses ne fonctionnent pas, il ne faut pas hésiter à demander de l’aide à l’extérieur pour faire les grands changements nécessaires. Sans cette aide extérieure, il est très dur de pouvoir s’arrêter quand on est la tête dans le guidon sans perdre sa clientèle. Sans cela, on ne fait que reculer l’échéance. »
« L’idéal dans un projet collectif est de pouvoir travailler avec des entrepreneurs gérant chacun une partie différente du projet. »
« Pour qu’un projet agricole sur petite surface fonctionne il faut que tu sois compétitif. Il vaut mieux se spécialiser dans des produits dans lesquels tu peux être compétitif par rapport à l’industriel.»
*Le bokashi est un engrais obtenu par la fermentation de matière organique. C’est une technique japonaise consistant entre autre à apporter des micro-organismes efficaces pour nourrir et restaurer le sol.